jeudi 3 août 2017

Vivre en paysage. Mais qu'est donc que le paysage ?

Chers tous 

Pendant les vacances, prenez un moment pour " Vivre (une vie) en paysage ".

Mais qu’est-ce donc vraiment que le paysage ?
Bien à vous tous 

vendredi 10 avril 2015

L'urbanisme de pente, une question contemporaine





















« Quand on doit bâtir une ville, la première chose qu’il faut faire est de choisir un lieu sain. Pour cela, il doit être élevé : il faut qu’il ne soit point sujet aux brouillards ni aux bruines. » […]
« Ainsi, ce que la nature présente d’incommode pourra être corrigé par l’art ; et, dans tous les pays, il faudra choisir une exposition accommodée à l’exposition du ciel, en égard à l’élévation du pôle. »
Vitruve, De Architectura
1er siècle avant JC.


URBANISME DE PENTE

La mia città dagli amori in salita caproni,
Genova mia di mare tutta scale…
Début d’un poème de Giorgio CAPRONI.
I-      Monter et descendre : une histoire ancienne
Habiter la pente n’est pas une question récente. L’histoire de l’urbanisme bat du mouvement dialectique entre les deux formes d’implantation de l’habitat, en plaine et sur les reliefs.
Elles sont, l’une et l’autre, les manifestations bâties d’une civilisation, de ses représentations symboliques du pouvoir, ou plus prosaïquement, une réponse à un état  d’ordre ou d’insécurité, une recherche de cohérence avec le système agraire développé, un souci de confort climatique et sanitaire ou plus simplement encore, une réponse à la nécessité d’une croissance urbaine sous la pression démographique, qui fait éclater la ville hors de son enceinte initiale, dans un mouvement descendant sous les oppida proto-historiques ou les castra du moyen-âge, ou ascendant comme autour des cités romaines enserrées dans les plaines ou vallées devenues trop étroites.
Les réponses successives à cette question particulière sont riches d’enseignements, mais surtout elles nous conduisent à nous demander si sa forme contemporaine participe à l’un ou aux autres processus évoqués, chacun portant en lui une réponse urbaine et architecturale propre.














Ainsi, suivant que l’on considère le développement actuel de l’urbanisation sur les pentes comme l’expression d’un nouveau rapport de l’homme au paysage ou à la nature, ou qu’on le considère plutôt comme la banale réponse à la nécessité d’une extension urbaine il s’exprimera différemment : manifeste contrôlé d’une nouvelle pensée dans un cas, processus spontané sans cohérence dans l’autre.
Ces attitudes s’illustrent et s’alternent tout au long de l’histoire urbaine de la Méditerranée occidentale. Dans la Grèce du Vème siècle, Hippodamos de Milet architecte et philosophe, introduit le plan orthogonal, transcription urbanistique de spéculations philosophiques à caractère mathématique.
Cette « monumentalité » mathématique nécessite pour se développer un site plat ou peu pentu.
Deux siècles plus tard, Eumène II, Roi d’Attolide développe sa capitale, Pergame, dans une recherche de grandiose et de monumental reposant sur une parfaite adaptation de la ville à un site tourmenté, fait d’une succession d’étroites terrasses naturelles s’accrochant au flanc d’un roc escarpé.
Sa gloire et sa puissance s’expriment alors par une spectaculaire composition architecturale, intégrant des murs de soutènement aux énormes contreforts suivant un plan dicté par le relief.
Ces deux manières d’exprimer la puissance, le pouvoir et l’ordre se succèdent déjà dans la Grèce antique.
Le choix du site escarpé représente, dans la période hellénistique, ce que celui du plan à damier représente dans l’Ionie : une manifestation de la puissance d’une société, de son emprise sur la nature, sur l’ordre des choses.

L’Ouest de l’Europe du Sud voit également se succéder ces deux modes d’implantation ;
De l’âge du Bronze jusqu’au début de notre ère, la « civilisation des oppida » (ou des « castros » au Portugal décrits par Cardozo) offre des constructions « construites sur des plateformes de haut en bas de la colline donnant à l’ensemble l’aspect d’un gigantesque escalier monumental. ».
La « paix » romaine, avec son économie fondée sur les voies de communication nouvelles empruntant les cols et les vallées, et peut-être un certain goût des romains pour la grille rigoureuse, favorise le retour des villes dans la plaine et au plan en damier.
La règle n’est pas absolue et relèverait même, pour certains, du mythe.












Si le corroyage d’Orange évite soigneusement de se confronter à la colline, les exceptions sont nombreuses (Vaison, Nîmes, Toulouse, Valence) dont les plans étudiées par C. Goudineau, se montrent avant tout comme l’œuvre d’ingénieurs topographes, et dont le tracé est conditionné par les pentes, les terrasses naturelles et une subtile topographie.
L’enseignement antique de ces deux modes d’implantation pour l’urbanisme et l’architecture d’aujourd’hui est dans le fait que l’un est constitué de l’assemblage de modules de faible dimension, aptes à s’adapter, sans trop de modifications, à un relief accidenté, quand l’autre (la conception augustéenne de la ville) consiste à l’assemblage de modules de grande superficie réclamant une parfaite horizontalité. Peut-être y reconnaissons-nous, l’actuelle partition du territoire urbanisé : les modestes pavillons qui montent à l’assaut des pentes, les supermarchés et les bâtiments d’activités qui s’étalent dans les plaines et vallées.




La fin de l’antiquité marque le retour aux situations perchées (à l’exemple de Rougiers, dans le Var, au Vème siècle).



On a coutume d’expliquer par l’insécurité ambiante ce choix du perchement. Les historiens qui étudient cette question, en France, en Italie comme en Espagne penchent pour des raisons plus complexes.
Dans le Latium par exemple (Toubert), l’implantation des Castras semble répondre à une volonté délibérée des seigneurs d’attirer et de contrôler les populations dans une période de développement économique et démographique. Tout le contraire de la conséquence d’une panique ou d’un signe de repli.
L’organisation du territoire, la présence de sources, la gestion gravitaire de l’eau, le souci de ne pas entamer le terroir cultivable, les précautions de santé (se tenir à l’écart des miasmes des eaux stagnantes des vallées) et de confort (la ventilation) sont pour d’autres (A.Humbert) les raisons fondamentales de ce mode d’implantation et de sa durée dans l’histoire.
Ce faisant, il décrit une « QEB » qui ne dit pas son nom, et des « éco-quartiers » sans label, qui conjuguent la densité, la mixité sociale et fonctionnelle, l’optimisation des déplacements, la gestion optimum de l’eau, l’économie des sols, le confort climatique et la santé. Je suis certain qu’en cherchant un peu, on peut trouver deux cibles de plus pour arriver à neuf !



II-     L’architecture et la pente
Villa Renaissance
 
L’architecture comme « art » (j’ai exclu ici le bâti vernaculaire) a longtemps ignoré, sinon fuit, la situation de pente.
Si la villa de la renaissance italienne et ses jardins en terrasse marque encore les esprits, la ville baroque et le classicisme n’ont jamais été très à l’aise avec la pente qui n’est pas accueillante aux grandes compositions géométriques.
Scamozzi ne préconisait-il pas, au 17e siècle de rejeter les sites « aux pentes disproportionnées […] qui ne font qu’augmenter la disgrâce des édifices qui apparaissent de ce fait estropiés et tordus. ».
Aménagement de plateformes, soubassements gigantesques, sont, jusqu’au milieu du 19e siècle, les seules réponses à cette question.
En revanche, la modernité, en architecture, s’est vite confrontée à cette question comme « l’innovation motivée d’une contrainte » (…).
Dès le XIXème siècle, la seule implantation sur la pente donne un avant goût de tout ce que l’architecture moderne du XXème siècle voudra procurer par elle-même : paysage, étendue, lumière, air, ouverture. En s’implantant au plus près des à pics sur des sites escarpés, ou en suspension au-dessus du vide, cette architecture contribue également à la création d’un imaginaire du danger.
Dans son prolongement au XXème siècle, la pente est alors pensée comme une situation inhabituelle, sinon exceptionnelle, qui donne prétexte à concevoir la maison autrement.


L’architecture de pente passe alors en revue toutes les questions particulières : que faire de l’inclinaison, la terrasser, l’annuler, l’ignorer ? Quel type de contact avec le sol, coller au terrain, s’y enfoncer, s’en dégager ? Comment circuler de haut en bas, ou à l’envers avec le garage sur le toit et le séjour au sous-sol ?
Deux architectes exploreront les réponses à ces nouvelles questions : F.L.Wright, le pionnier, avec ses mouvements géologiques, et, Schindler, le « maître de la projetation sur pente », expérimentant les figures d’un solide en mouvement sur un plan incliné.













Les figures de l’architecture de la pente
Les différentes figures récapitulées par E.T. White (ci-contre) se retrouveront tout au long du siècle à travers les projets emblématiques qui en ont ouvert la voie. C’est, par exemple, celle du soulèvement géologique de matière issue du sol, ou celle de l’accident morphologique dont Wright se fait le maître.
Ici le volume ne s’adapte pas au terrain ni ne le transforme. Il est plutôt un des éléments supplémentaires (ou des « accidents ») qui ajoute à la complexité morphologique.


































Ce peut-être aussi celle du volume en équilibre sur un plan incliné, (Schindler, Wright, Nouvel / Seigneur / Chiodo) s’opposant au glissement ou au basculement par crantage, crantage inversé ou buté.
Ces figures s’opposent au mouvement ou au basculement par une mise en tension des lignes du volume et de la ligne de pente.
Zone de texte:







































 


































Le volume en soutènement du terrain, au contraire (groupe Miastro), exprime le mouvement évité porteur de tension, lourdeur et de staticité.


 














La figure du volume planté dans le sol (Botta, Meier) limite l’impact sur le terrain à la seule emprise des parois.
 






















Le porte à faux, quant à lui, (Wright, la maison sur la cascade) dramatisera le sentiment du vide propre à la pente.
 














Le perchoir, en ramenant le contact à un point unique (alibi  écologique et logique d’industrialisation), nie la problématique du sol et peut difficilement être compris comme une réponse spécifique à la pente.
Au contraire, la figure de pont (Kurokawa, Mies Van Der Rohe) l’exprime par opposition à ses accidents et incertitudes – talweg et fil d’eau, rochers, végétation – qui interdisent de penser la pente comme une abstraction géométrique.
 












L’accentuation de la pente (Tadao Ando) par encastrement ou prolongement du profil et surtout le volume en cascade dans la pente (Aalto, Gregotti) et son prolongement (développement transversal), l’habitat en gradins (Oud, Le Corbusier, Renaudie) conduisent, par la densification et la mitoyenneté, à la mono-orientation des vues qui, dans les développements contemporains, rapprochent la densification sur des pentes fortes de la tour.

 












 


























Cette figure de l’immeuble en gradins terrasses, après la proposition (non réalisée) de Le Corbusier (projet « Mo et Rob » à Cap Martin en 1949) ou de Roland Simounet à Alger (1950) prolifèrera dans les années 1960/1970 sous l’impulsion notamment de quelques groupes d’architectes suisses (Atelier 5, Team 2000) qui optimisent cette figure généreuse en terme de prospect, d’offre de terrasses amples et de vues dégagées sur le paysage.
 









Cette figure offre de telles potentialités qu’on la voit largement utilisée sur terrain plat soit dans un souci d’optimisation des prospects urbains, dans la lignée de l’immeuble d’Henri Sauvage (1912) rue Vavin à Paris, soit dans des allégories aux formes du paysage comme, par exemple, le Pic Saint-Loup réinterprété à travers les immeubles pyramide de Balladur à la Grande Motte. D’autres projets puisent dans le motif de la pyramide à gradin (Babel, pyramides mayas, ziggourats), leur inspiration formelle dans ce que C. Moley appelle la « dégradation des gradins », dans lequel il voit un détournement de signification, du spirituel vers le temporel qui vide la pyramide de son sens : « l’emphase monumentale d’une communauté a fait place à la conception anti-monumentale des maisonnettes superposées ».
Des projets récents au Danemark, montrent pourtant l’intérêt de cette figure, quand se substitue à l’orographie des éléments de programme gourmands en espaces et indifférents à l’exposition.

Le contact volume/terrain
L’architecture internationale, dans sa quête de réponses abstraites, rationnelles et universelles, a fuit le problème du terrain trop aléatoire (sur le plan du parcellaire comme sur celui de la topographie) qui, par les multiplications des cas particuliers, s’impose aux solutions unificatrices, uniques, reproductibles à l’infini.
Cette négation de la réalité rustique du sol s’exprime par le décollement réalisé par plots (Mies Van Der Rohe) ou par pilotis (Le Corbusier) qui, adaptés aux pentes, prendront la forme de béquilles qui compensent les accidents du terrain.
Il ne s’agit alors plus d’une architecture de pente mais de la conception d’adaptateurs qui permettront l’implantation d’un volume « universel » à n’importe quelle configuration de terrain.
Cette tendance qui consiste à suspendre le volume s’oppose à l’attitude traditionnelle qui consiste à adhérer ou à entailler le terrain. Schindler adoptera la voie médiane du frôlement : ni excavation du sol, ni longues béquilles qui éloignent d’un sol « inutilisable », sa solution est légère et aérée : « au lieu de creuser la colline, la maison se tient sur la pointe des pieds au-dessus d’elle ». (   )



 











































Le sol avoisinant les constructions sera différemment traité suivant l’attitude choisie : il est forcément intact, reconstituant son profil naturel dans le soulèvement géologique de Wright, les figures plantées en terre (Botta) ou le pont (Kurokawa) ; le talus est architecturé comme une onde émise par l’objet construit (C.Moore) ; le crantage, comme pour freiner ou retenir les volumes en cascade (chez Aalto) qui exprimera, par des gradins de faible hauteur (environ 20 cm) le soulèvement continu du sol en ne maçonnant que la contre-marche ou bien l’arrachement en maçonnant également une partie de la marche, ou enfin, architecturé par de véritables terrasses dans les productions rigoureuses de Mies Van Der Rohe qui préfère, par ce moyen, adapter le terrain à la rigueur de son parti plutôt qu’utiliser les béquilles propres à la démarche internationale.

La circulation verticale
Autre bouleversement apporté par le XXème siècle à l’architecture de pente : la liberté du choix du niveau d’entrée et du sens de circulation vertical, de haut en bas ou de bas en haut qu’il implique. Son corollaire, la place de la voiture : au-dessous de volume (disposition « traditionnelle »), au-dessus du volume, ou détaché, disposition qui se développe dans ces projets contemporains qui éloignent l’automobile de l’habitat, la rendant moins performante dans les choix modaux.
Cette organisation, toujours contextuelle, des circulations verticales appelle à une démarche d’architecture, tant elle met sens dessus-dessous, les plans types des maisons de catalogues ou de la conception paresseuse.



III-   Habiter la pente, une voie contemporaine
Il y a, de nos jours, un étrange paradoxe concernant l’urbanisation de la pente des régions méditerranéennes : d’une part l’histoire, la géographie, l’usage, la commodité, nous montrent les immenses avantages qu’il y a à habiter les versants en pente bien exposés, et d’autre part, sauf à en gaspiller le potentiel par un étalement pavillonnaire irréversible, ils sont gelés, par des arguments paysagers trop simples (la « protection » d’un horizon vert) qui conduit à un étalement d’un classement en « espace boisé classé » (EBC) de milliers d’hectares de pinèdes récentes, enrésinement spontané d’anciens versants en terrasses aux potentialités forestières médiocres et porteuses d’une augmentation importante du risque d’incendie pour les secteurs déjà urbanisés.
Cette attitude, autant culturelle que pseudo économique (le « surcoût » de l’aménagement des site en pente) a conduit à urbaniser les meilleures terres agricoles et les territoires inondables des plaines et des vallées. Ceci à grand renfort d’endiguement des fleuves et des rivières et d’importation des denrées vivrières agricoles : la France, premier pays agricole d’Europe, importe une bonne part de ses besoins en légumes !
Cette attitude était déjà remise en cause dans les années 80 : à l’issue d’une table ronde « Que faire des espaces naturels méditerranéens ? », organisée en 1983 par la Mission Interministérielle pour la Protection et l’Aménagement des Espaces Naturels Méditerranéens, P. Raynaud, alors directeur du Conservatoire du Littoral, rapportait le constat que ce sont les meilleures terres agricoles qui sont choisies comme support de l’urbanisation ou d’équipement et que le souci de préservation portait sur les collines, arides, le plus souvent « sans intérêt biologique », dont le couvert végétal est périodiquement détruit par l’incendie.
La mission critiquait alors les bases des P.O.S. en condamnant l’approche « des urbanistes » qui tendent à favoriser la prolongation des tendances dans la définition des statuts des sols : « les espaces plats, cultivés, équipés (voies, réseaux) constituent les terrains urbanisables « par excellence ». (…)
Elle concluait en développant un scénario type dont l’objectif principal devait être la protection des bonnes terres agricoles et le report de la construction sur les zones « stériles » (sic), la préservation des massifs boisés sur leur versant Nord ou dans les parties relativement plates où il est possible d’envisager une exploitation forestière valable. Sur les versants sud de ces massifs qui offrent des conditions climatiques généralement défavorables à la constitution de boisements (dévastés périodiquement par les incendies), le développement d’une urbanisation nouvelle bénéficiant de conditions favorables à l’habitat : ensoleillement, vue, abris du vent, etc.
La mission reprenait en cela les propositions des forestiers qui affirmaient « qu’en tant que forestiers, on peut estimer que, sous le climat méditerranéen, les versants exposés au Sud n’ont pas de vocation forestière, car ils se dessèchent trop en été et seront toujours la proie des incendies. […] Sur le plan forestier, il serait préférable de ne conserver que les forêts ayant quelques chances de pousser et arriver à l’âge adulte en concentrant les efforts d’entretien et d’équipement sur les versants Nord, ainsi que les forêts de plaine, et abandonner (sic) à la construction tous les versants Sud. ». (…)
Ces conclusions rejoignaient alors les avis des scientifiques, géographes, écologues, défenseurs de la planification écologique, qui considéraient déjà les versants Sud des régions méditerranéennes comme des espace privilégiés de développement de l’urbanisation conjuguant l’intérêt climatique, les critères écologiques et l’opportunité foncière.

L’intérêt climatique
L’intérêt climatique de l’urbanisme de pente est depuis longtemps mis en exergue par les géographes qui en soulignent toutes les potentialités pour une architecture bioclimatique dense :
·        L’exposition
« Tous les habitats méditerranéens urbains ou ruraux recherchent le soleil. C’est probablement la raison pour laquelle la plupart des villages sont situés à l’adret des collines, orientés Sud/Sud-Est, [qui permet] la disposition des maisons de villages échelonnées les unes au-dessus des autres, de façon à ce que le soleil vienne les frapper en partie, au moins dans les étages supérieurs. » (Livet)
·        L’inversion de température, surtout déterminante dans les régions plus en altitude :
« Il faut et il suffit que le relief soit disposé en forme de cuvette, que le refroidissement nocturne soit rapide et accentué. C’est généralement le cas en hiver lorsque le ciel est découvert que les couches d’air ne sont agitées de façon à ce que l’air froid, normalement plus lourd que l’air chaud, descende dans le fond de la dépression, tandis que l’air tiède, plus léger, monte pour tapisser les pentes ou les sommets. » (id)
Cette inversion de la température s’accompagne d’une différence hygrométrique importante qui se révèle par le brouillard en fond de vallée.
·        Le microclimat
« La fréquence des ciels clairs et des journées ensoleillées a d’importantes conséquences. La première est le réchauffement diurne. Il est particulièrement efficace lorsque l’atmosphère est calme et que la réverbération de la lumière et de la chaleur s’effectue sur une paroi. C’est dire l’importance de l’abri de quelque nature qu’il soit (abrupt, rocheux, façade de maison, mur, palissade) tout ce qui protège et reflète détermine un microclimat dont les hommes ont su profiter. » (id)
Et Livet, de conclure, qu’en ce qui concerne le développement de l’urbanisation, il faut : « respecter les impératifs climatiques et par conséquent, réserver aux habitats les pieds de pente, les adrets, les flancs de coteaux, à la fois abrupts et bien exposés ».

L’intérêt écologique
En termes de protection des milieux naturels, les travaux des géographes (…) nous incitent à construire sur les parties les plus hautes des versants « aujourd’hui abandonnées, et de grouper les maisons en hameau [] », en invitant à situer les projets sur les secteurs de pentes les plus dégradées, les secteurs d’anciennes cultures enfrichées et enrésinées soumis à des incendies répétés.
À l’occasion d’un travail réalisé en 1962 sur le territoire de la commune d’Auriol (Bouches-du-Rhône), le Professeur J. Vaudour conseillait, après une classification pédologique, écologique et économique du terroir, d’installer les extensions urbaines dans les terrains de classe V (versants en terrasses abandonnés récemment, ou dont l’abandon remonte à plusieurs décades et qui ont été conquis par la pinède) de classe VI (pentes de 20 à 30%) et de classe VII (pentes de 25 à 40%) qui subissent une très forte érosion après abandon.
Ils rejoignaient ainsi les conclusions de la mission interministérielle (déjà citée), qui, de son côté, proposaient, dès 1982, une urbanisation contrôlée de ces espaces, avec des contreparties pour une protection stricte des secteurs non urbanisables. Elle imaginait une procédure foncière consistant à accorder des droits à bâtir (d’une manière dense) en contrepartie de cessions de terrains protégés et de moyens financiers permettant de les restaurer et d’en assurer l’entretien. Il s’agissait d’une proposition d’extension de l’article L130-2 du Règlement National d’Urbanisme  conçu pour les secteurs urbains ou périurbains, en l’enrichissant de mesures de mise à disposition de tels moyens.

L’intérêt foncier
L’agriculture contemporaine, les réseaux d’irrigation, les infrastructures routières, les zones commerciales et industrielles, l’extension de l’habitat profitant des infrastructures, se disputent l’usage des espaces plans sur lesquels ils sont en concurrence. La pression y est maximum, les prix également.
Cette logique se trouve confortée par une certaine politique des « sites et paysages » qui tend à préserver les espaces à visibilité maximum que sont les versants afin de leur conserver leur nouvelle fonction sociale et culturelle « d’horizon vert ».
Les documents d’urbanisme, dans cette tension sans projet,  optent de ce fait pour le plus mauvais des compromis, en affectant aux versants un COS faible, qui, loin de « préserver » le paysage, offre un impact visuel des plus frappants au delà des questions de gaspillage d‘espace et de démultiplication des linéaires de réseaux et des services.
AFU de St Veran (05)

O. Cadart et Agence Paysages 1
 
Une autre des caractéristiques du foncier des versants méditerranéens est l’extrême morcellement en micro parcelles. Le contexte, qui apparaît au premier regard comme un handicap, se révèle en fait un atout considérable quand on sait le souci des communes de répartir au mieux (faute de mise en place de péréquation) la plus-value foncière distribuée par un zonage règlementaire, à un maximum de propriétaires fonciers, sur un minimum d’espace. Cette extrême parcellisation leur offre cette opportunité s’ils contribuent à la mise en place d’Associations Foncières Urbaines (AFU), qui permet une réorganisation du foncier pour permettre sa constructibilité fondée sur un projet urbain cohérent.


IV-        Une morphologie urbaine singulière
La pente introduit dans la morphologie urbaine dense deux dimensions spécifiques : la dissymétrie des prospects (optimisation de l’orientation aval), et le tracé du maillage viaire qui s’infléchit pour offrir des pentes acceptables (avec un optimum de 10 à 12%) et desservir les différents niveaux habités. Les rues dans les villes et villages de pentes, montent ou descendent et ne sont jamais, comme on le voit trop souvent écrit, parallèles aux courbes de niveaux.
Trois modèles principaux de maillage viaire s’y distinguent : celui de la structure en spirale (exemple de Bonnieux – Vaucluse), celui de la trame « écrasée », celui enfin de la voie de crête (exemple de Minerve, Hérault ou de San Miniato en Toscane).
Ces trois modèles de base, qui organisaient les castra ou castelum du Moyen-Âge, sont encore aujourd’hui les référents des quartiers nouveaux sur pentes accessibles aux véhicules.
Sur les pentes plus fortes, où plus aucun accès viaire n’est possible, se dégage alors la figure de la « tour appuyée » (en terrasse) ou encastrée, dont l’accessibilité est assurée par ascenseurs, ascenseurs obliques ou funiculaires.


La dissymétrie des prospects
C’est une des singularités les plus riches de l’urbanisme de pente.
En effet, cette dissymétrie permet d’atteindre une grande densité, tout en permettant à ce que chaque niveau soit posé sur le sol, et de profiter des agréments de cette situation : vues, orientations optimum, inertie thermique.
 






















Les règles de prospect des documents d’urbanisme qui s’appliquent quelle que soit l’orientation d’un versant, peuvent être un handicap pour optimiser au mieux le potentiel de ces situations.
Chacune des orientations des versants amènera à des formes urbaines contrastées : l’orientation sud à la forme en gradins et autorise les projets jusqu’à des pentes extrêmes, l’est et l’ouest favorisent l’étirement des volumes dans le sens de la pente.
L’ubac, sur les pentes faibles, conduit à une volumétrie qui privilégie l’une ou l’autre des implantations. Ici, les masques lointains, la qualité des vues, les choix programmatiques pour les niveaux inférieurs encastrés, orientent ces implantations avec une belle diversité potentielle.
L’accessibilité
Si nous nous souvenons bien de nos premiers cours de physique, l’effort (le travail) développé pour monter un mètre en altitude est équivalent à celui nécessaire pour franchir 10 mètres (9,81 plus précisément) horizontalement.
Cette loi de la gravitation universelle appliquée à l’urbanisme, en limitant l’accessibilité des sites en pente, conduit à des formes urbaines particulières qui, en dehors du recours à des dispositifs mécaniques, visent à faciliter l’accès pour différents usagers : piétons, personnes à mobilité réduite, cyclistes, automobiles.
Les pentes couramment admises pour les différents modes non mécaniques : pour les piétons, facile jusqu’à 8%, possible jusqu’à 12%.
Les escaliers (giron de 0,275, dimension courante, faciles à monter) absorbent des pentes de 50% (46% avec des paliers tous les 20 marches) et jusqu’à 83% pour des escaliers raides (inconfortables) d’un giron de 0,24 (à éviter !).
Pour les personnes à mobilité réduite, les rampes doivent être inférieures à 5%, avec un palier de repos tous les 20 mètres lorsque la pente est supérieure à 4%.
Pour les cyclistes (avec une bicyclette urbaine sans changement de vitesse), une pente de 10% est facilement franchissable sur 30 mètres, 5% sur 90 mètres. La fatigue se fait ressentir pour une pente de 2% sur plus de 500 mètres.
Le remonte-pente à vélo (mis en place dès 1993 à Trondheim en Norvège) permet, lui, de gravir des pentes allant jusqu’à 20%.
Pour les automobiles, 15% représente un maximum pour les voies courantes (avec des passages très exceptionnels à 20% sur de très courtes distances).
Une pente de 10% est satisfaisante pour un usage mixte voiture / vélo (à changement de vitesse).
La pente ouvre particulièrement la porte aux dispositifs mécaniques que sont les ascenseurs urbains, ascenseurs obliques, funiculaires, téléphériques urbains, etc.
Nous sommes encore chez nous particulièrement frileux sur ces dispositifs courants en Suisse, en Italie, au Portugal, en Allemagne, en Espagne et en Autriche, à la ville comme à la campagne (les monorails des vignobles du Valais Suisse ou des cinque Terre en Italie).
Pourtant, le coût au Km de ces dispositifs (cf. tableau ci-joint) est très inférieur aux autres infrastructures individuelles ou collectives de déplacement. Les coûts de fonctionnement et les consommations énergétiques (source : Pierre Joussaud, tableau ci-contre), sont tout aussi favorables au transport par câble.
Les ascenseurs publics urbains se sont développés en Europe, leur invention urbanise la construction des tours aux Etats-Unis. Gènes en compte 10, dont le plus ancien date de 1909.
Ils redeviennent des réponses contemporaines aux questions de mobilités urbaines. Annonay (07), par exemple, prévoit l’aménagement d’un troisième ascenseur public pour investissements de 1,3  M € HT pour une dénivelée de 60 mètres.
Les infrastructures de transport public par câble sont développées dans le monde entier. La Suisse en comptait 808 en 2009 (soit une capacité de un million de passagers par heure !). Celui de Dortmund en Allemagne (le H. Bann) assure un débit de 5 000 personnes par jour sur 3 Km. En France, quelques unes des stations de ski ont, à ce jour, développé du transport public par câble Valmorel, entre les deux hameaux, Briançon pour l’accès à la station de Saint-Chaffrey. Ici encore, ce dispositif, récemment dans l’actualité, à l’exemple de Grâce (06) qui a engagé un projet de liaison de la nouvelle gare SNCF au centre ville (500 mètres assurés au siècle dernier par unfuniculaire, et 112 mètres de dénivelée) pour un prix de 40 M € HT pour un débit de 3000 à 5000 passagers par jour. À noter qu’un véhicule par câble à l’heure coûte nettement moins cher qu’un tramway (5 millions d’Euros de moins par kilomètre).
Ces données concernant les pentes admissibles, suivant les différents modes d’accessibilité souhaités, conduisent à des organisations de plan de masse extrêmement diverses.
L’accessibilité pour les secours est aussi un point à valider très en amont avec les commissions locales qui doivent notamment apprécier le cas particulier des gradins terrasses et de l’accessibilité des façades à l’échelle des pompiers au regard de ce « plein pied superposé ».







La systématisation de l’accessibilité aux 2 roues, l’accessibilité automobile possible ou exclue, totale ou partielle, le recours aux moyens mécaniques et leur échelle de desserte (ville, quartier, immeuble) ordonnent ces plans de masse et sont en conséquence (ou devraient l’être) un choix préalable à l’organisation spatiale et aux volumétries urbaines.


Des caractères physiques spécifiques
La pente génère des spécificités aux approches des données physiques habituelles du projet urbain : la stabilité des versants, l’accélération et la concentration du ruissellement, l’érosion des sols, l’exposition paysagère qui, avec la question de l’accessibilité et des prospects qui orientent la forme urbaine, orientent la manière de créer des plateformes, à vivre et à parcourir, essence même du projet sur la pente.

La stabilité des versants
Le projet sur pente se confronte à deux grands types de fondements :
·        Sur bed-rock, calcaire, granitique, gréseux ou schisteux, les plus souvent rencontrés à faible profondeur sur les versants érodés des régions méditerranéennes. Ils constituent, pour la plupart, d’excellents fondements à l’exception des roches très litées (schistes) qui peuvent donner lieu à des glissements de masses rocheuses.
Dans tous les cas, une analyse géologique des failles, plans de stratification, pendages, diaclases, permettront de définir plus précisément les localisations et modes d’implantation et le type de fondation.














 















·      Sur les terrains de couverture, les pentes couvertes d’éboulis constitués d’éléments calcaires ou de roches cristallines représentent des terrains de fondation correcte si, perméables et bien drainés, ils ne risquent pas la mise en charge d’eau génératrice de glissements de terrain. Il convient toutefois de veiller au maintien du profil du versant (T.N.) et des talus d’équilibre, spécifiques à chaque composition d’éboulis.
En revanche, on évitera les éboulis constitués de marnes et certains schistes que l’altération transforme en masse argileuse qui peut donner lieu à des glissements de terrain.
Les cônes de déjection, quant à eux, formés de matériaux charriés par les torrents, et à la granulométrie très discontinue, constituent de bons terrains de fondation si l’ensemble reste perméable. Dans le cas contraire, les variations de niveau de la nappe aquifère nécessiteront des profondeurs de fondations conséquentes.
Dans tous les cas, et compte tenu du caractère par définition instable de la pente, l’appel au géologue est indispensable pour le choix d’implantation et les précautions à prendre pour éviter les éboulements rocheux du bed-rock ou les glissements ou solifluxions des terrains de couverture.

La gestion de l’eau
L’eau ne connaît qu’une loi, celle de la gravitation universelle qui la conduit toujours à opter pour le plus court chemin (la ligne de plus grande pente), entre le sommet et la vallée (puis la mer).
Sur le versant, elle se concentre sur la ligne des talwegs ou des paléo-talwegs que la carte au 1/25 000ème ne permet pas toujours de localiser. À défaut de relevés de géomètre, souvent (et malheureusement) inexistants au stade de la définition du projet urbain, une lecture attentive du site permet d’en localiser les traces explicitement : vestiges d’exutoires maçonnés, superpositions de portions de murs appareillés sur chant ou effondrés (sur les versants en terrasses), présence de citerne (ayguiers), ligne de végétation différente : plante moins xérophile, certains carex, saules, peupliers, joncs, capillaires, lichen noirs, etc.
Ces lignes de concentration des eaux pluviales constituent, avec la trame viaire, les éléments de charpente de la forme urbaine d’un versant, ces deux trames ne se croisant qu’à niveau séparé.
Les lignes d’eau deviennent des éléments d’une trame de jardins linéaires assurant en même temps la rétention des eaux pluviales, le traitement (phytoépuration) des hydrocarbures, les réserves incendie, la présence d’un milieu humide (faune et flore), la création de circulations douces, la possibilité d’une ambiance sonore, ou la participation à la réduction de l’îlot de chaleur urbain. Difficile de comprendre pourquoi on a si longtemps eu recours aux tuyaux !

Le sol
Le sol, couche vivante de la terre, et souvent érodé sur les versants méditerranéens, est l’élément essentiel pour le maintien des continuités biologiques des territoires. Les chaînes de sol constituées le long des pentes ou au contact d’unités topographiques différentes doivent êtres maintenues en évitant une fragmentation de l’espace par les constructions et la voirie qui empêcheraient le déploiement des systèmes d’échange indispensables à cette vie.
Les opérations de décapage et de mise en réserve de la terre végétale détruisent ces chaînes de sol et, en bouleversent les horizons qui superposent une vie aérobie en surface et une vie anaérobie plus en profondeur.
Laisser la terre en place (sauf sous la stricte emprise des constructions et aménagements) ou, mieux encore, travailler avec des fondations ponctuelles plutôt que linéaires, ou dans le sens de la pente, plutôt que dans les courbes de niveaux, ont un impact moindre sur les continuités du sol comme sur celle de la diffusion et l’écoulement des eaux de surface.



La végétation
Le couvert végétal sur un versant contribue à sa stabilité et à la réduction du phénomène de l’érosion. L’urbanisation conduit à la suppression d’une partie de la végétation existante. D’une manière générale, il vaut mieux (par le choix du plan de masse) conserver les feuillus (à racine pivotante) plutôt que les résineux, à système racinaire superficiel et plus fragile aux blessures de chantiers, et plutôt les essences dites « nobles » (chênes, érables, noyers, cyprès…) plus longues à pousser que les arbres à croissance rapide. Autant que faire se peut, laisser les souches en place pour éviter des interventions lourdes d’engins.

La question du coût
L’urbanisation de la pente est, peut-être à tort, considérée aujourd’hui, comme une orientation plus coûteuse financièrement que l’urbanisation en terrain plat ; accessibilité pour le chantier, adaptation (terrassement) du terrain pour la voirie et les plateformes, dispositifs d’adaptation (murs de soutènement), adaptation des fondations.
 















Ces considérations peuvent être vraies, si l’on se contente d’adapter la pente au projet, ou si l’on adopte un système constructif inapproprié, ou encore quand on utilise des process et du matériel de chantier lourd, ou que l’on n’innove pas dans les questions de mobilité et d’accessibilité.

 






 






En revanche, face à la consommation massive d’un foncier moins contraint, à des besoins qui vont s’accentuer en matière de terroir agricole et à l’augmentation des risques d’inondation en plaine et en vallée, la pente offre une alternative ouvrant la porte à des projets qui, par la densité autorisée par la pente, par la création architecturale, par le choix de trames étroites et de systèmes constructifs appropriés (filière sèche, légèreté des éléments, fondation par plots), peuvent répondre à la recherche de solutions économiques qui répondent au « coût acceptable de l’aménagement ».
Une étude suisse déjà ancienne (1974) montre, pour les coûts de construction uniquement, que les indices varient en fonction de la pente pour chaque type de construction et dégage les pentes économiques optimum pour chacune :
-       pente de 6 à 15% pour les constructions individuelles
-       pente de 6 à 25% pour les immeubles « classique »
-       jusqu’à 45% pour les immeubles en gradins- terrasses.
Cette étude montre que cette dernière formule devient financièrement avantageuse sur les autres dès 30%.
Au delà de cette pente, le coût de voirie peut être réduit en utilisant la formule de l’ascenseur oblique (projet de Bruggerberg en Suisse).


V-     Quelques réalisations régionales pionnières
La région méditerranéenne se prête bien à l’exploration d’architectures et de formes urbaines spécifiques à la pente, profitant des atouts qu’elle offre : situation de belvédère, intérêt climatique, intimité des espaces domestiques offerts, malgré de fortes densités, etc.
Le Corbusier avait ouvert la voie, en 1949, par son projet (non réalisé) « Rob et Roq » à Cap-Martin qui inspirera les architectes des générations suivantes.

Opération d’habitat individuel dense.
Architectes : Louis Arretche et l’atelier de Montrouge, J. Renaudie, P. Riboulet, G. Thurnauer et J. L. Veret.
1963 – 1965.
Versant sud, pente de 15%.
affleurement granitique, maquis et pins.
 
La résidence Voltera au Cap Camarat, Ramatuelle, Var




Le plan de masse s’organise autour d’un maillage de rues étroites d’une pente moyenne de 10% et de passage piéton en escalier dans le sens de la pente.
Les rues (2,50 mètres de large) organisent l’alignement des maisons dont le volume croise un « rez-de-chaussée » parallèle aux courbes de niveaux et un ou deux niveaux supérieurs s’allongeant au contraire perpendiculairement.
Cette disposition dégage pour chaque maison, une terrasse spacieuse et des orientations variées pour les prises de jour et des vues. Le séjour, en porte-à-faux, dramatise la pente à l’instar des conceptions de Wright ou de Schindler.
L’entrée se fait par le haut ou par le bas de la maison, suivant son implantation en amont ou en aval de la rue, déterminant indifféremment la desserte des niveaux de haut en bas ou de bas en haut.
Les parkings et les garages sont regroupés en amont du site, formule innovante, et bien acceptée alors, qui favorise la densité et la qualité de l’espace public. Cette disposition qui se développe aujourd’hui éveille pourtant encore la méfiance (en terme de commercialisation) des aménageurs.



 











Lotissement Agora à Saint-Pierre-de-Féric , Alpes-maritimes
Lotissement de 47 logements particuliers sur 2 hectares.
Yves Bayard, Architecte et Henri Vidal, ingénieur (Architerre).
1981.
Versant ouest, pente de 50%.
Poudingue, anciennes ribes en friche.
 
 






L’innovation de ce projet tient dans l’utilisation pour le gros œuvre, de la technique de la terre armée.
« Cette technique consiste à dégager à flanc de coteau et sur des déclivités atteignant jusqu’à 50%, une surface plane incurvée en demi-cercle et dont la partie extérieure est ensuite recouverte de couches superposées de terre compactée et d’armatures de plats crénelés (généralement en acier galvanisé) et disposés sur des lits horizontaux de 75 cm. Ceux-ci sont boulonnés au fur et à mesure de l’élévation à des rangées d’écailles alignées sur un béton de propreté, puis imbriquées les unes sur les autres pour former les trois cloisons latérales sur lesquelles s’appuie la toiture en dalle de béton… » (Henri Vidal, Le Moniteur, 26/08/1983).
Les concepteurs privilégiaient une utilisation économique d’un matériau issu du sol, la terre, une conception bioclimatique, une interprétation paysagère des ribes (terrasses de cultures) et une densification préservant, grâce à la forte pente, la vue et l’intimité de chaque appartement.
Comme à cap Camara, le stationnement des automobiles est en amont du site. Mais l’inaccessibilité des maisons pour des usages exceptionnels (livraison, déménagement) a été mal acceptée. Le coût important du gros œuvre, l’exposition ouest rendant illusoires les qualités bioclimatiques, la systématisation des pièces habitables mono-orientées ont été, avec ce problème d’accessibilité, les raisons d’un relatif échec de ce programme intéressant sur bien des plans.



 











 






Village Vacances Air France, Gassin -83
Unités d’hébergement regroupées en quatre hameaux de 36 cellules, un hôtel et des services communs.
Architectes : Paul Chemetov et Jean Dereche
1967-1970
Versant tourné vers l’est, pente moyenne de 17 %
 
 





Le programme de village vacances convient bien à un site de pente car il se fractionne en petites unités qui, par décrochement, s’adaptent au profil du terrain. Les deux éléments de programme sont séparés : les unités d’hébergement (regroupées en hameaux) sur les pentes les plus importantes, les services communs (accueil, restaurant) sur un replat en aval.
Chaque hameau organise en gradins terrasses (avec de spacieuses terrasses) les unités d’hébergement autour d’une placette centrale ouverte sur le paysage. Une halle couverte distribue les escaliers d’accès extérieurs. Le stationnement est cantonné en aval du site.
Cette œuvre malheureusement a été détruite il y a quelques années lors d’une opération de restructuration.
 







Zone de texte: 428 logements de vacances avec garages sur 13 ha.
Architecte J. Dubuisson.
1970.
Versant sud calcaire, 30% de pente.

Les Katriakas à Bandol - 83




Les logements sont organisés en cinq bandes de 4 niveaux s’étirant le long des courbes de niveau.
Cette organisation en gradins terrasses offre une exposition sud (et les vues) optimum de toutes les pièces à vivre et de très généreuses terrasses. La mono-orientation des ouvertures à laquelle cette organisation conduit est assez pauvre.
Le tracé des voies suivant les courbes de niveau annihile la pente et offre un espace public très dur et inconfortable : 8 à 10 mètres d’emprise, sans ombrage, rez-de-chaussée d’alignement de garages.
 












 










Conclusion
La pente, pour de bonnes ou mauvaises raisons, s’est vu abandonnée durant la deuxième moitié du 20e siècle, parce qu’elle n’est pas accueillante aux moissonneuses batteuses pour l’agriculture, parce que les bulldozers s‘y sentent mal à l’aise et que les caddy ne peuvent y batifoler à leur aise.
Alors qu’elle a été porteuse des projets urbains parmi les plus puissants et les plus agréables et confortables à vivre et des terroirs agricoles les plus sophistiqués et des plus fertiles (agriculture de terrasses), elle n’a plus droit aujourd’hui qu’au seul projet de ne pas en avoir : étalement pavillonnaire incontrôlé ou « protection » paresseuse, qui favorise l’enfrichement et l’enrésinement favorables aux incendies. Il est frappant de constater que, par exemple, sur l’agglomération marseillaise, on ne rêve, dans le cadre d’un consensus mou (collectivités, services de l’Etat, profession agricole, par ailleurs propriétaire du foncier), qui développe la ville sur les 2000 ha de ce qui reste de bonnes terres agricoles drainées et irriguées, plutôt que d’accepter, ne serait ce que pour en débattre, d’envisager de désacraliser la ligne étanche et fortement défendue qui partage la ville des premières pentes des collines de garrigue. On s’interdit ainsi de réfléchir à un projet urbain implanté sur les meilleurs espaces à vivre de l’agglomération, c’est à dire les versants bien exposés profitant de panorama extraordinaires.
La question de l’accessibilité, nous l’avons vu, n’en est pas une si l’on raisonne en terme de mobilités environnementales. Il est aussi simple (si ce n’est plus) de creuser un métro dans la masse de la colline que sous les avenues de la ville basse. Les ascenseurs et monte-charge, comme en tout immeuble, finalisant le trajet.
Le transport par câble, les funiculaires, les ascenseurs publics, se développent dans le monde et nous montrent que la ville en pente n’est pas condamnée à l’usage du transport individuel.
La raréfaction, à l’échelle mondiale, de l’espace agricole de proximité, le développement d’une économie de circuits courts, une demande croissante en matière de produits agricoles identifiés et de qualité, rendent déraisonnable la consommation des derniers espaces agricoles de proximité. Qui plus est, le maintien volontariste de l’agriculture urbaine donne de la  qualité à des quartiers pauvres en espaces publics et au paysage urbain souvent affligeants.
L’histoire de l’urbanisme, l’identité régionale, la recherche architecturale du 20e siècle montrent partout que la pente est le lieu privilégié de l’habiter. Mais cela suppose un travail sur la conception urbaine plus fin et plus approfondi qu’en plaine, de faire appel à des architectes rigoureux et talentueux (la formule des modèles ou de projets bâclés n’a pas sa place sur la pente), à des ingénieurs passionnés qui ont le goût de la recherche du dispositif optimum au regard de chaque situation, qui, sur pente plus qu’ailleurs, est toujours unique.
Mais ce talent des maîtres d’œuvres ne pourra en rien (sauf à rêver de très beaux projets d’école) si les collectivités et la puissance publique d’Etat ne décident pas de déverrouiller le débat.

                                                     Avignon, juillet 2010
                                                     Sébastien GIORGIS


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