Un nouveau paysage pour les mobilité urbaines des quartiers périphériques
Intervention à l'occasion du Séminaire Robert Auzelle " Pour une réorganisation des quartiers péri-urbains par les mobilités " Grande Arche, La Défense, 24 septembre 2013
Sébastien Giorgis, président de l’association des paysagistes-conseils, constate que « l’extrême générosité des vides (dans le périurbain) rend chaque destination lointaine ». Prendre sa voiture pour toute sorte d’activité relève d' un réflexe naturel. Une recomposition des vides sous forme d’espaces publics tissant des connexions est donc à rechercher. Un nouveau tissu urbain plus complexe favoriserait les modes de déplacements actifs, piétons et cyclables, dans la création d'un nouveau paysage urbain qui reste à concevoir, et où les paysagistes auraient toute leur place.
LIMITER LES DEPLACEMENTS CONTRAINTS, LA NOUVELLE MISSION DE
L’URBANISME
« Transports, un projet urbain.». Pour l’urbaniste, ce
retour au vocabulaire de « transports » pour parler des questions de
déplacements et de mobilités urbaines représente une surprise. En effet,
l’évolution du vocabulaire (et donc des pratiques professionnelles) dans ce
domaine a été parallèle au processus d’intégration des problématiques de
l’urbanisme avec celle des mobilités.
Si l’on parlait « d’infrastructures » dans
l’immédiat après guerre et de « transports » dans les années 70, les
années 80, avec le développement des préoccupations environnementales, ont vu le bouleversement de la manière de se poser les questions, invitant à intervenir non plus à l’aval des
questions (transporter ici) mais à l’amont : comment limiter les
déplacements contraints. Cette orientation nouvelle partait d’un constat
simple : les déplacements les moins chers, les moins polluants, les moins
congestionnant pour la ville et ses activités, sont ceux que nous n’avons pas à
faire. Traiter la question des déplacements à la source pour éviter des dépenses
importantes et des encombrements à l’aval, voilà la nouvelle mission de
l’urbanisme.
Trois axes de travail dans ce sens :
. Remettre en
question radicalement l’approche moderne
de l’urbanisme, celle du zoning fonctionnel, de l’étalement urbain et de la
ségrégation sociale.
Le « zoning » fonctionnel de nos POS issus de la loi LOF de 1967, en séparant « rationnellement » les fonctions ( travailler ici, habiter là , faire ses courses ou se divertir ailleurs), provoquait des déplacements contraints quotidiens ( à ne pas confondre avec la liberté de se déplacer) , source de pertes de temps, d’énergie, d’argent pour les populations les plus excentrées, cause de la congestion des villes au détriment de leur efficience économique et de la dégradation de l’environnement au détriment de la santé de ses habitants.
Face à ce constat, l’urbanisme cherche aujourd’hui à
réintroduire de la complexité dans les quartiers, en développant au contraire
la mixité fonctionnelle (le « quartier » se substituant aux «
zones ») et sociale, les entreprises et les services employant dans les
mêmes lieux les différentes couches sociales d’une population dont la proximité
de l’habitat est donc source d’efficience.
Superposer des fonctions dans un même construction
(commerces aux rez-de-chaussée, tertiaires dans les niveaux intermédiaires,
logements dans les niveaux supérieurs) ou concilier ces différentes fonctions
dans un même îlot sont parmi les réponses qui redonnent cette complexité
urbaine favorisant l’habitat près de son lieu de travail et la proximité des
services et des commerces. Les SCOT et les PLU se doivent aujourd’hui d’être très volontaristes en ce
domaine, la loi SRU les y invite. Pourtant, le zoning y perdure encore sous les
jolis mots (maux ?) détournés d’ « éco quartiers » ou de «
parcs d’activités ».
Si la mixité fonctionnelle est affaire de règlement
d’urbanisme et de programmation, la mixité sociale nécessite en plus de ces
bases, une politique foncière volontariste afin de rendre accessible au plus
grand nombre les quartiers bien équipés en emplois et en services. On se réfère
souvent à ce vieux sondage du
Syndicat National des Aménageurs Lotisseurs (le SNAL) pour affirmer qu’une « majorité
de français » souhaitent habiter une maison individuelle à la campagne.
Pour les chercheurs en urbanisme, qui remettent en question la manière dont le
questionnaire omettait précautionneusement d’évoquer la proximité des écoles ou
des collèges, des équipements et des commerces ou de l’emploi, il existe un
sondage beaucoup plus fiable pour connaitre les véritables aspirations des français
en matière d’habitat : le prix au M2 des logements ( reflétant le marché
de la demande), beaucoup plus élevé en centre ville qu’en périphérie, et qui
diminue à mesure que l’on habite plus loin des services et des secteurs
d’emploi. Les psycho sociologues nous enseignent qu’il est humain de limiter
ses ambitions à ce à quoi on peut accèder….
Ainsi, créer du logement locatif ou en accession dans les centres villes se révèle, partout ou cela est mis en œuvre, un moyen très efficace de diminuer fortement les déplacements contraints.
Ainsi, créer du logement locatif ou en accession dans les centres villes se révèle, partout ou cela est mis en œuvre, un moyen très efficace de diminuer fortement les déplacements contraints.
La remise en question de l’étalement urbain par la recherche
d’une compacité optimum
conciliant la qualité du paysage urbain, la place d’un
espace public convivial et confortable et une certaine densité bâtie est
l’autre volet de la conception d’une ville
limitant les déplacements contraints . Paris montre qu’une des
villes les plus denses du monde (plus de 20 000hab/km2) peut aussi être
considérée comme une des plus belles du monde. Densité et qualité urbaine n’ont
jamais été contradictoires, bien au contraire.
En région Provence Alpes Cote d’Azur, le problème qui se pose aujourd’hui réside dans l’extrême étalement de l’habitat pavillonnaire provoqué par plusieurs décennies de laisser faire. Au delà de la consommation des meilleures agricoles (qui tendent à devenir précieuses dans le monde), du coût pour la collectivité de la viabilisation et de la gestion de ces immenses territoires péri-urbains et de l’appauvrissement des paysages qu’ont provoqué ce phénomène, cela rend toute politique de mobilités douces difficile comme cela rend délicat toute efficacité d’un réseau de transport en commun.
En région Provence Alpes Cote d’Azur, le problème qui se pose aujourd’hui réside dans l’extrême étalement de l’habitat pavillonnaire provoqué par plusieurs décennies de laisser faire. Au delà de la consommation des meilleures agricoles (qui tendent à devenir précieuses dans le monde), du coût pour la collectivité de la viabilisation et de la gestion de ces immenses territoires péri-urbains et de l’appauvrissement des paysages qu’ont provoqué ce phénomène, cela rend toute politique de mobilités douces difficile comme cela rend délicat toute efficacité d’un réseau de transport en commun.
L’enjeu urbain des deux prochaines décennies dans notre
région consistera, à mesure du vieillissement des populations, à accompagner
une certaine densification et diversifications fonctionnelles de ces secteurs
pavillonnaires et d’y fonder des centralités secondaires desservies par les TC.
Le même processus (densification est diversification fonctionnelle) devra
s’opérer dans les « zones » commerciales ou d’activités où l’espaces
gaspillé abonde (des milliers d’hectares de stationnement utilisés quelques
heures par jours) et ou la vie urbaine
est intermittente ou inexistante.
. Le second axe de
travail consiste à réduire d’une manière volontariste la place de la voiture,
Cet urbanisme de zones et l’étalement urbain se sont accompagnés
d’une croyance que l’automobile individuelle pouvait répondre à tous ces défis.
Nous arrivons aujourd’hui au bout de cette logique car les villes sont
totalement congestionnées et ce sont, dans notre région, des millions d’heures perdues dans des
déplacements contraints à des vitesses moyennes inférieures à 5 km/h.
Pénalisation de l’efficience économique des territoires ( perte d’accessibilité
malgré des infrastructures toujours plus surdimensionnées), mise ne danger de
la santé des populations, nuisances de toute sortes, rendent aujourd’hui ce
modèle totalement dépassé et le rêve d’une « voiture propre » ne
changera rien à ce problème de congestion et d’envahissement de l’espace public
par un seul mode et un seul type d’usager.
Pour rouler et stationner, une voiture individuelle mobilise
25 m2 d’espace public, quand un piéton en mobilise 1 et un cycliste 2. Cet
avantage insensé qui conduit la collectivité à investir des budgets de voiries
au profit quasi exclusif d’un seul type d’usager (au détriment de tous en
l’occurrence) n’est plus compréhensible quand on en mesure la limite en terme
de bénéfice pour les populations comme pour les entreprises.
La mise en place d’une offre de services de transports en
commun n’a jamais provoqué de transfert modal de l’automobile vers les TC tant
que l’usage de l’automobile reste possible. Toutes les expériences dans ce
domaine (et dans le monde entier) montrent que tant que l’on peut (vous et moi)
continuer à utiliser sa voiture, on le fait.
Le transfert modal ne s’opère qu’à partir du moment où l’usage de l’automobile devient impossible, soit financièrement (c’est le choix de certaines villes ou de certains pays), soit en intervenant sur le facteur clé de toute politique de réduction de la part des déplacements par véhicule individuel : le stationnement.
Le transfert modal ne s’opère qu’à partir du moment où l’usage de l’automobile devient impossible, soit financièrement (c’est le choix de certaines villes ou de certains pays), soit en intervenant sur le facteur clé de toute politique de réduction de la part des déplacements par véhicule individuel : le stationnement.
L’impossibilité de stationner à destination a été le cœur
des politiques de réduction de la place de l’automobile de toutes les villes ou
les pays où les résultats sont probants : Le Danemark (Copenhague est un cas
d’école), la Suisse ( Neufchâtel est un modèle pour les villes moyennes), Breda
aux Pays-Bas , etc.
La question du confort du mode de déplacement est ici
centrale : s’il est plus facile, plus
agréable et plus rapide de prendre sa bicyclette ou un bus ou de marcher
à pied que d’emprunter sa voiture engluée dans les encombrements et ne pas
trouver à stationner à l’arrivée, et bien on prendra le bus, son vélo ou on marchera à pied.
. Et c’est ici que se
situe le troisième axe de travail, le transfert modal vers les modes doux et particulièrement le vélo
Dans la ville constituée, le déplacement à pied est le mode
principal, la majorité des trajets étant inférieur à 500 mètres. Investissement
minime pour la collectivité, coût nul pour l’usager, participation à
l’équilibre des comptes de santé publique, ponctualité au travail, aménité de
l’espace public, c’est le mode de déplacement qu’il convient de privilégier à
tous de points de vue et les questions de conception de l’urbanisme évoquées
plus haut y contribuent. Les politiques urbaines favorisant (sécurité, confort,
aménités) les déplacements pédestres par l’institution, par exemple, de zones
30 et de zones 20 (zones de rencontre) sont de celles qui ont le meilleur
retour investissement/efficacité . Elles sont un complément indispensable
aux efforts en faveur des transports en commun.
Mais les plus grandes marges de progression dans les questions de mobilités urbaines, en France globalement et particulièrement dans nos régions méridionales, se situent dans le développement du vélo. Nous sommes souvent à moins de 1% des déplacements à bicyclette quand les taux moyens atteignent plus de 27% aux Pays-Bas, 30% à Copenhague et plus de 31 % à Ferrara, en Italie. C’est, dans chaque cas, le résultat d’une politique très volontariste qui, dans le même temps que l’on contraint l’usage de la voiture individuelle (pas d’offre de stationnement pour les non résidents par exemple) offre un confort et une sécurité optimum aux usagers qui choisissent ce mode : garages et abris à vélos sécurisés, pistes continues et entretenues, espaces partagés, généralisation des contre sens autorisés aux vélos, introduction dans les règlements de PLU de l’obligation de réaliser des garages à vélos fermés dans les résidences comme dans les bâtiments d’activités, développement d’ateliers de réparation dans chaque quartier, convention avec les assurances ( comme aux Pays-Bas) permettant un remboursement total en cas de vol, incitation à la généralisation du marquage, installation d’appuis et garages à vélos aux arrêts de TC, choix d’un matériel roulant ( train, bus, tram), permettant d’accueillir les vélos, etc.
Aucune de ces mesures ne représente un investissement important. C’est sans commune mesure par exemple avec le coût d’un tram ou d’un réseau de bus à THNS. Mais leur mise en oeuvre simultanée et opiniâtre permet, partout où cela a été réalisé, des résultats rapides et extrêmement significatifs. L’argument de la « culture » souvent évoqué pour ne pas s’y engager ne tient pas devant les exemples qui sont probant dans le nord comme dans le sud de l’Europe, au Japon ( Tokyo approche désormais les 20% ), en Chine ( dont les villes ont été asphyxiées et congestionnées ces dix dernières années par un développement rapide de l’automobile) où le vélo à assistance électrique fait un boom économique extraordinaire : 120 millions de vélos électriques en circulation l’année passée, 22 millions de nouvelles unités produites par an avec l’export qui se développe rapidement, représentant 70% du million des vélos exportés l’année passée.
Mais les plus grandes marges de progression dans les questions de mobilités urbaines, en France globalement et particulièrement dans nos régions méridionales, se situent dans le développement du vélo. Nous sommes souvent à moins de 1% des déplacements à bicyclette quand les taux moyens atteignent plus de 27% aux Pays-Bas, 30% à Copenhague et plus de 31 % à Ferrara, en Italie. C’est, dans chaque cas, le résultat d’une politique très volontariste qui, dans le même temps que l’on contraint l’usage de la voiture individuelle (pas d’offre de stationnement pour les non résidents par exemple) offre un confort et une sécurité optimum aux usagers qui choisissent ce mode : garages et abris à vélos sécurisés, pistes continues et entretenues, espaces partagés, généralisation des contre sens autorisés aux vélos, introduction dans les règlements de PLU de l’obligation de réaliser des garages à vélos fermés dans les résidences comme dans les bâtiments d’activités, développement d’ateliers de réparation dans chaque quartier, convention avec les assurances ( comme aux Pays-Bas) permettant un remboursement total en cas de vol, incitation à la généralisation du marquage, installation d’appuis et garages à vélos aux arrêts de TC, choix d’un matériel roulant ( train, bus, tram), permettant d’accueillir les vélos, etc.
Aucune de ces mesures ne représente un investissement important. C’est sans commune mesure par exemple avec le coût d’un tram ou d’un réseau de bus à THNS. Mais leur mise en oeuvre simultanée et opiniâtre permet, partout où cela a été réalisé, des résultats rapides et extrêmement significatifs. L’argument de la « culture » souvent évoqué pour ne pas s’y engager ne tient pas devant les exemples qui sont probant dans le nord comme dans le sud de l’Europe, au Japon ( Tokyo approche désormais les 20% ), en Chine ( dont les villes ont été asphyxiées et congestionnées ces dix dernières années par un développement rapide de l’automobile) où le vélo à assistance électrique fait un boom économique extraordinaire : 120 millions de vélos électriques en circulation l’année passée, 22 millions de nouvelles unités produites par an avec l’export qui se développe rapidement, représentant 70% du million des vélos exportés l’année passée.
Huit bicyclettes sur 10 vendues aux Pays-Bas en 2011 étaient
électriques. La encore, il ne faut pas se tromper dans les
investissements : rendre possible la recharge des batteries (qui se
chargent par ailleurs en roulant), par l’équipement des bâtiments,
de l’espace public, des gares et services publiques, se trouve être une
priorité aux effets
Bien plus efficace à euros constants, qu’une nouvelle ligne
de transport.
Cet exemple nous montre que la question de la « transition »
dont il est tant question aujourd’hui, dans le domaine de la production
d’énergies par les territoires comme dans celui d’une agriculture de proximité,
devient un modèle de développement d’une nouvelle manière de considérer les
mobilités urbaines que les villes en transition (modèle britannique) ou les
slow city (modèle italien) explorent brillamment.
Sébastien GIORGIS
Architecte Paysagiste Urbaniste
Paysagiste Conseil de l’État
Séminaire Robert Auzelle, La Défense, 24 Septembre 2013
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